08 septembre 2022

« Les prestataires de soins sont le moteur, le dashboard est l’outil »

En mars 2023, la KULeuven lancera – en collaboration avec Zorgzaam Leuven et certains fournisseurs de données – un projet pilote autour du diabète, afin de cartographier et d’améliorer la qualité des soins.

En mars 2023, la KULeuven lancera – en collaboration avec Zorgzaam Leuven et certains fournisseurs de données – un projet pilote autour du diabète, afin de cartographier et d’améliorer la qualité des soins. Quelle sera la valeur ajoutée d’une telle collaboration ? Nous avons posé la question à Marie Van de Putte, pharmacienne, et à Bert Vaes, médecin.

Marie Van de Putte et Bert Vaes se connaissent bien. Et pour cause ! Marie est aussi coordinatrice de Zorgzaam Leuven. Quant à Bert, il fait partie de l’équipe du centre académique de médecine générale (Academisch Centrum voor Huisartsgeneeskunde, ACHG) et il est également responsable de la base de données d’Intego*. Tous deux ont déjà collaboré dans le cadre de Zorgzaam Leuven et de la Task force fédérale Vaccination COVID, dont ils sont membres. Lorsqu’il a été décidé de vacciner en priorité les malades chroniques, la gestion de la population a servi à déterminer le groupe cible. Les médecins généralistes sélectionnaient les patients, et de leur côté, les pharmaciens sensibilisaient la population de manière très ciblée via un pop-up (eForm) sur leur écran.

Rassembler les données

Marie : « En 2021, nous avons rédigé, avec notre collègue Gijs Van Pottelbergh et sur la base des leçons tirées pendant la COVID, un nouveau plan sur le système de gestion de la population pour mener et faire le suivi des soins aux malades chroniques. Après tout, ce qui lie les médecins et les pharmaciens, c’est le désir de travailler davantage en nous axant sur les données. Nous prenons soin au quotidien des mêmes patients et nous disposons de données structurées, respectivement le DMG et le DPP. Avec un dashboard de la population, nous visons à rassembler pour la première fois les données provenant de différentes sources sur une certaine population dans une zone de première ligne, une province, une région, ou même un quartier. De cette manière, nous pouvons mieux évaluer les besoins, et sur cette base, formuler nos propres objectifs et gérer la qualité. » Bert : « Il est important de souligner ici qu’il s’agit uniquement de données agrégées, et que, pour le moment, nous ne connectons pas entre elles les données individuelles du DMG et du DPP. »

Plus-value

Marie : « Dans le cadre du projet pilote, nous souhaitons développer un dashboard avec des données de patients diabétiques portant sur leur santé, le coût des soins et, à un stade ultérieur, leur point de vue sur la qualité des soins (Triple Aim). Les médecins et les pharmaciens peuvent ensuite utiliser cet outil lors d’une CMP sur le diabète pour, par exemple, mettre en place au niveau du quartier un projet visant une amélioration (comme un dépistage précoce, un BUM ou une revue de la médication). A l’heure actuelle, la réalité est telle que nous ne savons pas si une action particulière a été suivie d’effets. »

Une plateforme commune

Bert : « La KULeuven a pris la tête de ce projet pilote et des fournisseurs de données nous ont rejoints. Après avoir rassemblé les données de quelques partenaires et déterminé les indicateurs de qualité, nous avons atteint un stade où nous réfléchissons, avec les créateurs de dashboards, à la manière la plus efficace de présenter visuellement les données aux décideurs et aux professionnels de santé. Nous examinons également comment les mettre à disposition sur Healthdata. Cette plateforme de données fédérale, qui héberge déjà les études et les registres sur les soins de santé, doit également rassembler toutes les données agrégées des pharmaciens, des médecins généralistes et des mutuelles. Ainsi, un créateur de dashboard agréé, tel que le gouvernement flamand, pourra utiliser ces données pour déterminer les besoins des zones de première ligne et faire le suivi des actions entreprises. Sciensano est un partenaire important dans le contexte du Triple Aim, que Marie a mentionné précédemment, en particulier pour l’utilisation des résultats et expériences rapportés par les patients en matière de qualité des soins (PROM/ PREM). »

Dashboard à niveaux

Bert : « Nous ne savons pas encore à quoi ressemblera le dashboard, mais il comportera des niveaux pour les professionnels de la santé et les décideurs. Ces derniers ne verront pas la qualité des soins dispensés par une pharmacie individuelle ou un généraliste, mais auront plutôt une vue d’ensemble au niveau des entités géographiques, telles que les villes ou les quartiers, et seront en mesure d’ajuster leur politique en conséquence. Supposons que les décideurs politiques constatent que l’action sur le diabète dans un certain quartier s’avère être de moindre qualité. Alors, les médecins et les pharmaciens de ce quartier pourront non seulement vérifier quels patients sont impliqués, mais aussi pourquoi ils sont moins bien soignés. Peut-être parce qu’ils ne trouvent pas facilement le chemin vers les soins de santé, ou pour une autre raison. Les généralistes/pharmaciens pourront d’abord s’attaquer au problème, puis les décideurs politiques pourront vérifier si ces actions portent leurs fruits. »

Lancement du dashboard

Bert : « Le projet est désormais enregistré sur Healthdata et, à partir de mars 2023, le dashboard sera opérationnel. La Belgique elle-même n’est pas pionnière en la matière, mais les pays d’Europe du Nord ont une grande expérience dans les connexions entre les sources de données. Le fait que nous ayons encore un certain retard à rattraper a tout à voir avec la coopération multidisciplinaire et la confiance mutuelle pour le partage des données. »

Marie : « En résumé, le dashboard n’est pas un objectif en soi, mais un outil pour réaliser le Triple Aim. Nous commençons par le diabète, mais nous nous élargirons à d’autres maladies chroniques. Peut-être qu’il ne sera pas nécessaire de se cantonner à une maladie spécifique et que nous pourrons aussi débloquer des données sur les personnes âgées vulnérables. » Bert : « En effet, nous pouvons nous éloigner d’un dashboard spécifique à une maladie, mais il sera toujours nécessaire car il rend les choses très concrètes. Travailler autour de la multimorbidité est le défi auquel nous sommes confrontés dans le domaine des soins de santé et nous y travaillerons à mesure que nous développerons ces dashboards. Mais dans un premier temps, il sera plus facile d’amener les gens à se connecter autour d’une pathologie (comme le diabète). »

Coopération durable

Marie : « Le fait que les pharmaciens et les médecins examinent ensemble ce dashboard peut contribuer à clarifier les rôles de chacun, car dans le cadre des soins intégrés, ces rôles se fluidifient et une coopération plus étroite est nécessaire. C’est pourquoi de bons accords sont indispensables. Nous voulons à ce stade commencer avec un nombre limité de partenaires, mais pour fournir des soins intégrés, nous avons également besoin des hôpitaux et de l’ensemble de la première ligne (kinésithérapeutes, infirmier(ère)s à domicile, travailleurs sociaux du quartier, etc.) Les médecins généralistes et les pharmaciens ne peuvent y parvenir seuls. Si nous souhaitons démarrer ensemble ce dashboard, c’est parce que nous avons chacun des données très « pures ». Le DPP est une base de données très « propre », automatiquement alimentée en fonction des médicaments délivrés, et les médecins généralistes ont également fait beaucoup de progrès dans le domaine des données. Les prestataires de soins sont le moteur, le dashboard est l’outil. »

Rémunération

La conclusion de Marie? Si nous pouvons prouver clairement, à l’aide de données, que les pharmaciens apportent une valeur ajoutée et jouent un rôle important dans les soins intégrés, les décideurs politiques auront plus de facilité à nous rémunérer pour ce faire, et à passer d’un système de rémunération purement spécifique aux produits à un système mixte incluant un financement dépendant des soins. Avec le dashboard, nous souhaitons évaluer et démontrer notre valeur ajoutée.

* La base de données Intego est une collecte continue des données individuelles sur les patients de 104 cabinets de médecins généralistes flamands participants, où les données des patients sont entièrement pseudonymisées.


Dernière mise à jour le 08/09/2022

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